A l’heure où tout le monde ne parle que du ralentissement des financements dans les startups, il est un secteur qui ne connaît pas la crise : l’écosystème blockchain en Afrique. Au premier trimestre 2022, les startups du domaine ont levé 84,7 millions d’euros, soit un bon fulgurant de 1 668% par rapport à la même période un an plus tôt. Ce sont les chiffres avancés par le capital-risqueur suisse CV VC, dans un rapport sur l’écosystème blockchain du continent qu’il vient de publier en partenariat avec la Standard Bank.
Parmi les plus gros bénéficiaires de ce trimestre, le rapport cite la startup congolaise Jambo et ses 28 millions d’euros, Mara, qui a levé 21,5 millions d’euros pour ses activités au Nigeria et au Kenya, et la nigériane Afriex, qui a empoché 9,4 millions d’euros.
Une répartition bien inégale
Considérées depuis longtemps comme un secteur à fort potentiel en Afrique, les technologies blockchain manquaient jusqu’alors de financement. Depuis 2021, « les millions ont commencé à se déverser sur le continent », relaie le site Quartz, s’appuyant sur le rapport. Pour autant, avec 41 startups blockchain en Afrique pour 118 millions d’euros de levés en 2021, le continent représente encore une petite part des 23,5 milliards d’euros de financement que le secteur a obtenu dans le monde entier cette année-là.
De plus, ces fonds ne bénéficient pas à tout le monde de la même manière. Le rapport de CV VC pointe en effet que 96% ont profité aux seuls Nigeria, Kenya, Afrique du Sud et Seychelles. Le rapport propose ensuite un véritable tour d’horizon – très détaillé – des startups africaines utilisant la blockchain, par catégorie (Fintech, plateformes d’échange de crypto-actifs, NFT, protocoles blockchain, logiciel, minage, DeFi, vérification).
Justement, un autre rapport, mené cette fois par Smart Africa et l’agence allemande de développement (GIZ), montre une forte dominance des projets financiers : sur 69 projets de blockchain identifiés par PositiveBlockchain.io en Afrique, 26 concernent les Fintechs et les Insuretechs, note le rapport.
Mais le plus gros bémol à ce boom enthousiasmant réside dans le manque de stratégie, de régulation (financière et sur la protection des données personnelles, en priorité) et d’harmonisation des standards entre les pays africains, seules clés, d’après Smart Africa, pour « permettre l’utilisation continue et sécurisée des technologies blockchain sur le continent ». Le rapport de CV VC semble abonder, lui qui consacre neuf pages à faire le tour du continent, pays par pays, pour détailler la situation des différentes régulations en la matière. Celui de Smart Africa fait de même mais complète aussi par une liste des initiatives pionnières en matière de régulation des technologies blockchain – Maurice et le Rwanda sont les seuls pays francophones cités.
Le second rapport conclut avec une série de recommandations :
- Les pays africains doivent bâtir une stratégie blockchain et se coordonner via l’Union africaine.
- Ceux qui n’en ont pas doivent adopter une législation concernant la protection des données personnelles et l’ensemble doit harmoniser la régulation.
- Cette régulation doit guider les projets blockchain, afin de ne choisir uniquement ceux qui sont viables et qui apportent une valeur.
- Les régulations financières doivent être plus claires, sans pour autant saper l’innovation
- Les institutions de recherche et de formation doivent recevoir plus de moyens afin de faire progresser les technologies, de les rendre plus matures.
- Il serait souhaitable de construire une infrastructure panafricaine sur laquelle pourrait s’appuyer tous les projets africains.
- Les pays africains doivent s’aligner avec les standards technologiques mondiaux et assurer une plus grande interopérabilité des technologies.