« Le retour des cryptomonnaies au Nigeria se fera par la réglementation », tranche Owenize Odia (Luno)

Après plus d’un an, il est temps de se l’avouer : la mise au ban des cryptomonnaies au Nigeria n’a pas vraiment eu l’effet escompté. Depuis l’interdiction d’échanger des crypto imposée le 5 février 2021 par la Banque centrale du Nigeria (CBN) aux banques commerciales du pays, l’adoption de ces actifs numériques a bondi de 1 200% dans le pays d’Afrique de l’Ouest, le hissant à la sixième place mondiale.

Et pour cause : dans le même temps, le naira n’a cessé de perdre de sa valeur. Il fallait 381 nairas pour un dollar en février 2021, alors qu’un an plus tard, « le dollar s’échange à 560 nairas dans les rues de Lagos », affirme le site Quartz Africa – le taux de change officiel étant de 416 nairas pour un dollar à l’heure d’écrire ces lignes.

Les Nigérians sont même les plus nombreux à déclarer avoir utilisé des cryptomonnaies en 2021.

« L’interdiction a poussé les gens à effectuer des transactions clandestines »

Pour autant, cette interdiction a bel et bien changé quelque chose : « Beaucoup de Nigérians, qui échangeaient majoritairement des cryptomonnaies depuis ou vers des monnaies fiduciaires, tendent aujourd’hui à s’en passer », précise sur Quartz Africa Owenize Odia, responsable Nigeria pour la plateforme d’échange britannique Luno, très présente en Afrique. Par conséquent, les transactions en pair-à-pair (peer-to-peer), que proposent Paxful ou LocalBitcoins, ont explosé. Mais surtout, « l’interdiction a poussé les gens à effectuer des transactions clandestines sur WhatsApp et Telegram, où certains en profitent pour réaliser des escroqueries », regrette-t-elle.

De leur côté, les acteurs plus conventionnels ont dû s’adapter. La plateforme panafricaine Patricia a transféré son siège en Estonie, Buycoins a, au contraire, intensifié sa communication sur les billboards de Lagos. Le géant chinois Binance, lui, s’est même offert les espaces publicitaires de bord de terrains de la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) en devenant partenaire officiel de la compétition.

Quant à Luno, qui n’offre pas de transactions en pair-à-pair, la plateforme britannique contourne l’interdiction nigériane en diversifiant son offre, « avec des bons d’achats convertibles en cryptomonnaies » ou « des comptes épargnes qui permettent aux utilisateurs de gagner 2% d’intérêts grâce à leurs cryptomonnaies », détaille Owenize Odia.

Luno « agit comme si nous étions déjà réglementés »

En attendant, la Nigériane est convaincue que « l’adoption des cryptomonnaies ne peut pas être arrêtée » et prône pour une réponse législative plutôt que prohibitive. « Le retour des cryptomonnaies au Nigeria se fera par la réglementation », lance-t-elle. « Avec une régulation de la CBN, seuls les fournisseurs autorisés opéreront, ce qui apportera de la transparence à l’économie financière et protégera les consommateurs et les entreprise […] en empêchant bon nombre d’arnaqueurs d’opérer. »

Pour joindre le geste à la parole, Owenize Odia explique que Luno « agit comme si nous étions déjà réglementés » : les clients doivent fournir des informations permettant de les identifier pour être intégrés et la plateforme effectue des vérifications approfondies pour s’assurer qu’aucune personne malintentionnée ne soit acceptée. « Nous n’avons pas de licence pour le moment, mais nous sommes enregistrés auprès de la Nigerian Financial Intelligence Unit [l’unité de lutte contre le blanchiment d’argent de la banque centrale, ndlr] et nous lui signalons les transactions suspectes », dévoile-t-elle. « Je pense que, [à l’avenir], des monnaies numériques de Banque centrale (CBDC), comme l’e-naira, cohabiteront avec des cryptomonnaies », conclut-elle dans un message d’espoir pour les crypto-enthousiastes.

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