C’est une tendance qui s’esquisse depuis plusieurs années et que les chiffres confirment. Selon une note de la Cnuced, la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement, les Kényans sont les premiers détenteurs de cryptomonnaies en Afrique : 8,5% de la population, soit 4,25 millions de personnes, en possèdent. Le pays arrive même en cinquième position au classement mondial, derrière l’Ukraine (12,7%), la Russie (11,9%), le Venezuela (10,3%) et Singapour (9,4%). L’Afrique du Sud et le Nigeria se classent respectivement en 8e et 9e positions. Et si en nombre d’individus, le géant nigérian détiendrait le record d’Afrique (13 millions de détenteurs), en proportion de la population, c’est bien le Kenya qui est sur la première marche du podium.
Dans tous ces pays, comme dans tous ceux en développement, la pandémie n’a fait que renforcer l’attrait pour les cryptomonnaies. Et ce pour deux raisons principales, selon la Cnuced : d’abord, il s’agit d’un « canal attractif », en termes de prix et de rapidité, par lequel envoyer des fonds, face à des coûts jugés prohibitifs, notamment au moment des confinements. Ensuite, ces cryptomonnaies, « principalement détenues par des personnes à revenu moyen dans [ces] pays », sont aussi perçues – paradoxalement – comme des valeurs refuges, pour « protéger l’épargne des ménages » face à l’hyperinflation et la dépréciation des monnaies réelles.
L’engouement pour les cryptomonnaies sur le continent, et particulièrement dans les pays précédemment cités, ne se dément pas au fil des années. Et ce malgré la défiance affichée des banques centrales, qui pour beaucoup les ont interdites, et qui pour certaines, comme au Nigeria, leur ont même opposé une monnaie numérique « maison » . Une contre-attaque qui peine à obtenir des résultats : le e-Naira, lancé en grandes pompes en octobre 2021, ne rentre pas dans les usages. Malgré cet exemple peu convaincant, le Kenya aimerait lui aussi lancer sa monnaie virtuelle – émise, donc, par sa seule Banque centrale, à l’inverse du côté décentralisé qu’assure la technologie blockchain.
Pendant ce temps, du côté des particuliers, des associations et des entreprises, les projets pullulent. De l’AFRO, lancé en 2017, et présenté par ses concepteurs comme le « bitcoin de l’Afrique », à la très locale Sarafu, utilisée dans une partie de Nairobi, les initiatives se veulent d’abord une réponse au défi de l’inclusion financière qui se pose à de nombreux Africains.