Dans la première édition de notre newsletter de ce mois de septembre (lire ici), nous nous faisions le relais d’une analyse publiée par Quartz Africa, selon laquelle on ne pouvait plus vraiment parler de « fuite des cerveaux » dans la Tech africaine. Notamment car les géants mondiaux du secteur viennent directement se servir « à domicile ». Ce qui devient du coup un autre problème, notamment pour le Kenya.
En effet, le pays et sa capitale Nairobi sont au cœur de la stratégie d’expansion des mastodontes du secteur sur le continent. Les annonces d’installation de « centres de développement » et autres « laboratoires » de Microsoft, Google, Bolt ou encore Amazon, se sont multipliées ces derniers mois. Seulement, avec ces projets, certes flatteurs pour le pays et sa scène tech, les talents viennent à manquer cruellement pour les pépites locales.
Les Wasoko, Flocash, et autre Twiga Food, pourtant plébiscitées par les investisseurs, le sont bien moins par les salariés expérimentés, qui leur préfèrent ainsi les grands noms venus d’outre-Atlantique. Une situation que certains professionnels kényans dénoncent désormais haut et fort.
Dans cette histoire, il est évidemment beaucoup question de gros sous. Selon Business Insider, ces grandes sociétés technologiques offrent jusqu’à 1,8 million de shilling kényans, soit 15 000 euros par mois, pour les plus grands spécialistes, 2500 euros pour les développeurs juniors, et rétribuent les postes de direction au-delà des 10 000 euros. Des salaires avec lesquels les startups locales, mais également les opérateurs, peuvent difficilement rivaliser.
Patricia Ithau, PDG de WPP-Scangroup, détaille ainsi : « Nous recrutons à l’université, ils [les talents] viennent, et vous leur en offrez cent. Google leur dit deux cents : vous n’allez rien pouvoir faire, ils vont partir. Et puis Microsoft leur en offre trois cents, et ils partent ensuite de Google. » Ironie de l’histoire : ces géants se sont notamment installés au Kenya pour proposer leur offre cloud… aux startups locales, en pleine expansion.
Former pour satisfaire tout le monde
Face à ce mouvement, presque inexorable, une seule solution, selon la dirigeante : former bien plus de talents, pour satisfaire la demande étrangère comme nationale. D’autant que les investisseurs continuent de soutenir massivement les pépites du pays – depuis 2019, 84% des financements régionaux leur ont été dédiés.
De l’avis unanime des experts du secteur, l’Afrique doit, de façon générale, former beaucoup plus de spécialistes des nouvelles technologies. Le site TechCabal rappelait encore récemment que le Nigeria, un pays de 200 millions d’habitants, compte à peine plus de 110 000 développeurs. C’est bien peu quand on sait que la Californie, et ses 39 millions d’habitants, en compte à elle seule plus de 630 000.