Sénégal, Somalie, Kenya : TikTok menacée en Afrique

[Article issu de la Newsletter] C’était une promesse de campagne, enthousiasmante sur le papier, mais délicate à mettre en œuvre : débarrasser la Somalie des islamistes shebabs. Une promesse faite par le candidat Hassan Cheikh Mohamoud, en 2022. Désormais (de nouveau) à la tête du pays, celui-ci a engagé une grande offensive militaire contre les milices rebelles, qui vient de se doubler d’une manœuvre numérique radicale : le bannissement de TikTok. Raison invoquée : les terroristes y feraient du prosélytisme. Par ailleurs, la plateforme chinoise serait le porte-voix “de groupes répandant l’immoralité”.

Sécurité, moralité… des justifications bien connues. C’est d’ailleurs la « menace pour la stabilité » du pays qui fut invoquée pour censurer le réseau social au Sénégal, au début du mois d’août, en marge de manifestations pro-Sonko. Seulement, la politique n’est jamais très loin.

« Il semble qu’il s’agisse d’une décision politique enveloppée d’un voile moral », a réagi l’analyste somalien Mohamed Moubarak sur Rest of World, au sujet de la suspension de TikTok dans son pays. « Le gouvernement est mécontent de la parodie politique [faite] du président et du [Premier ministre] et utilise les droits de l’homme comme justification. » Dans la foulée de la coupure au Sénégal, Amnesty international dénonçait aussi « une atteinte à la liberté d’information ».

Plus inquiétant pour l’application chinoise, propriété de ByteDance : le Kenya s’interroge. Et là, ce n’est pas pareil : là où le Sénégal ne compte que 450 000 utilisateurs, soit 2,65% de la population, le pays d’Afrique de l’Est est devenu le leader mondial dans l’utilisation de TikTok avec une audience impressionnante de 54% d’utilisateurs, selon le dernier rapport du Reuters Institute. 

Une pétition, lancée par un homme d’affaires du nom de Bob Ndolo, a été débattue au Parlement. Celle-ci demandait l’interdiction de la plateforme, la jugeant « inappropriée » car « encourageant la violence, le contenu sexuel explicite, les discours de haine, le langage vulgaire et les comportements offensants ». Au-delà de tout jugement moral, force est de constater que les « fake news » y pullulent – ce qu’avait parfaitement montré la Fondation Mozilla.

Si par la voix du président Ruto, TikTok a gagné un sursis au Kenya, la plateforme a dû faire des concessions. Elle prévoit d’installer un siège africain au Kenya axé sur la modération du contenu. Mais il faudra aussi trouver la parade à un autre angle d’attaque, qui gagne heureusement en vigueur en Afrique : celui de la gestion des données personnelles.

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