Durant l’année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19, la Fintech africaine a montré deux visages. Côté scène, elle présentait bien : bien plus qu’aucun autre secteur des nouvelles technologies sur le continent, elle a continué d’attirer les investisseurs. Selon le fonds en capital-risque Partech Africa, si les startups africaines, sur le front des levées de fonds, ont bien résisté à la crise, c’est en grande partie grâce aux jeunes pousses spécialisées dans les produits financiers. En 2020, la Fintech a ainsi attiré près d’un quart des investissements totaux. Côté coulisses, en revanche, ce fut plus contrasté.
Certes, le début de la pandémie a vu une hausse des paiements numériques, notamment au Sénégal, où ils ont triplé, nous dit MicroSave Consulting (MSC), en partenariat avec la Mastercard Foundation, dans un tout récent rapport. Mais l’incertitude grandissant, les projets (d’épargne, d’achats…) ont diminué. Même tendance en Côte d’Ivoire – où les deux partenaires ont aussi analysé le marché : la baisse des revenus couplée à l’absence d’occasion de dépenses ont réduit les flux électroniques, le cash et le secteur informel ont été privilégiés. Les Fintechs africaines ont ainsi dû ajuster leurs réserves de liquidités en réduisant le personnel et les salaires.
C’est que le secteur, pourtant moteur dans l’innovation, a peu bénéficié du soutien des acteurs de l’écosystème, et particulièrement des gouvernants, peut-on lire dans les deux rapports de MSC.
Au Sénégal, des mesures à court terme ont été prises. Les startups du secteur ont bénéficié des mêmes exonérations des charges fiscales et sociales que les autres, ainsi que “la rémunération d’au moins 70% du salaire versée par l’entreprise au personnel mis en congé partiel”. Elles ont aussi reçu des coups de pouce plus ciblés, comme des campagnes de sensibilisation au numérique, ou un programme de transfert social d’argent liquide en s’appuyant sur des Partenariats Publics Privés impliquant notamment des Fintechs : “5000 bénéficiaires ont été [concernés] par des paiements mobiles à Dakar, écrit MSC. Ceci a accru l’intérêt du gouvernement et des ONG pour l’utilisation des canaux mobiles, ainsi qu’une plus grande ouverture à la collaboration.”
Des mesures sur le long terme attendues
Dès le début de la pandémie, en avril 2020, la Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide des femmes et jeunes (DER/FJ) a également sorti le chéquier pour accorder des prêts aux startups mises en difficulté par la crise sanitaire. Et de son côté, la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest a agi massivement sur la baisse voire la suppression des frais de toutes sortes concernant le transfert d’argent mobile. Mais globalement, ces mesures ne s’inscrivent pas suffisamment dans le long terme pour appuyer durablement le secteur face à une crise qui s’éternise.
Du côté ivoirien, le constat est plus sévère encore. Les mesures gouvernementales – report des taxes et charges, suppression de frais de transactions et facilitation d’ouverture de compte de mobile money – n’ont eu que peu d’effets sur les startups dédiées à la finance dans le pays, soulignent encore MSC et Mastercard.
Résultat : les jeunes pousses ont surtout dû compter… sur elles-mêmes. Les startups ont ainsi fait preuve de résilience, notamment en faisant un gros effort pour assurer une trésorerie à l’épreuve du temps. Elles ont aussi revu, pour certaines, leurs modèles d’affaires, proposant des produits plus adaptés au contexte de crise, en vendant leurs compétences technologiques ou en s’orientant vers une activité B2B, jugée plus stable. (Photo : Iwaria / photo d’illustration)