La désinformation gagne du terrain sur le web africain, selon RSF

[Article issu de la Newsletter] « La désinformation ne cesse de prendre de l’ampleur en Afrique subsaharienne. » C’est par cette phrase que commence le chapitre consacré au continent du classement 2023 de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse dans le monde. La désinformation en Afrique, c’est une sorte de rasoir à deux lames : la première taille le travail des journalistes (censure de médias internationaux au Mali, expulsion de correspondants au Burkina, mort de Martinez Zogo au Cameroun…). La deuxième lame vient lacérer ce qu’il reste encore d’esprit critique en inondant la toile africaine de fausses informations.

A la manœuvre, souvent, des gouvernements du continent. En Ethiopie (130e place), par exemple, cette désinformation prend la forme d’une plateforme de… fact-checking. Peu après le début des opérations militaires au Tigré, le gouvernement a ainsi lancé l’Ethiopia State of Emergency Fact Check, qui n’est finalement qu’une officine de propagande du pouvoir, révélait l’hebdomadaire sud-africain The Continent.

Mais les puissances étrangères à l’Afrique sont aussi, évidemment, à la manœuvre. On pense bien sûr aux contenus pro-russes déversés sur l’internet centrafricain (98e place), via des blogueurs achetés ou des médias financés par le Kremlin, et plus largement en Afrique subsaharienne via une myriade de faux comptes sur les réseaux sociaux.

Les organes traditionnels de la propagande, comme RT et Sputnik, réorientent aussi leurs pratiques (nouveau site, hub à Nairobi…) et leurs discours (lire l’analyse de Maxime Audinet) vers le continent, à grand renfort de partenariats conclus avec des médias africains. Organes dont le narratif est aussi repris par les relais chinois sur le continent.

Face à ce déluge d’infox, les journalistes basculent de plus en plus dans la vérification d’infos. “Les fausses informations sont devenues monnaie courante, surtout au Sahel, confirme le journaliste malien Malick Konate. Et les fact-checkers sont automatiquement considérés comme payés par l’Occident…” Des journalistes qui ne peuvent pas s’appuyer non plus sur la bonne volonté des grandes plateformes.

L’échec de la modération de TikTok durant la dernière campagne électorale au Kenya (pointé par Mozilla), les déboires de Meta et ses prestataires Sama et Majorel dans la région, ou encore les ratés de YouTube sur le continent, montrent que le combat est clairement déséquilibré. Alors, certes, la maison mère de Facebook vient d’annoncer la fermeture de dizaines de comptes et pages sur ses différents réseaux sociaux, qui tentaient d’influencer l’opinion publique depuis le Togo et le Burkina Faso. Mais ces quelques coups d’éclat représentent une goutte d’eau dans un océan de désinformation…

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