Communications électroniques : une loi liberticide votée en Côte d’Ivoire ?

L’arbre qui gâche la forêt. En Côte d’Ivoire, bien que le projet de loi relatif aux communications électroniques, adopté le 7 mai 2024 au Sénat, compte 12 parties, 30 chapitres et 252 articles, c’est surtout un tout petit texte, l’alinéa 3 de l’article 214, qui a fait parler de lui dans le pays et à l’étranger.

D’après plusieurs commentateurs, y compris des journalistes et des ONG comme Reporters sans frontières (RSF), cette disposition pourrait mener à la pénalisation de la divulgation des messages électroniques, qui pourrait être utilisée abusivement contre les journalistes, notamment les journalistes d’investigation.

Concrètement, cet alinéa stipule que “quiconque intercepte, divulgue, publie ou utilise le contenu des messages électroniques, ou révèle leur existence, est passible de lourdes peines, sauf en cas de consentement exprès de l’auteur ou du destinataire de la communication, ou sur réquisition de l’autorité judiciaire dans le cadre d’une enquête judiciaire. La peine encourue est de cinq ans d’emprisonnement et de 10 millions de francs CFA” [15 000 euros].

Fin mars, RSF avait réclamé l’abandon de cet article 214, ou tout au moins une exemption pour les journalistes, afin de garantir leurs conditions d’exercice. L’Organisation nationale des journalistes d’investigation de Côte d’Ivoire (ONJI-CI) a fait de même.

Plus généralement, le projet de loi doit établir un nouveau cadre juridique pour les communications électroniques. Il abroge l’ordonnance n° 2012-293 du 21 mars 2012 relative aux Télécommunications et aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), à l’exception des articles 51, 71 et 157 portant création respectivement de l’Agence ivoirienne de gestion des fréquences (AIGF), de l’Autorité de régulation des télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI) et de l’Agence nationale du service universel des télécommunications/TIC (Ansut).

Il était porté par la Commission de la recherche, de la science, de la technologie et de l’environnement, constituée d’une vingtaine de députés du parti au pouvoir et de l’opposition, et a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 14 mars. L’article 214 y était encore présent.

Aucune communication n’a révélé s’il était toujours dans le texte final, adopté par le Sénat le 7 mai.

Outre l’article 214, le projet de loi “propose de regrouper les différents réseaux de communications électroniques et d’infrastructures d’accueil construits sur financements publics au sein d’une entité publique dont la tutelle technique est assurée par le ministère en charge des Communications électroniques”, a annoncé Ibrahim Kalil Konaté, le ministre de la Transition numérique et de la Digitalisation.

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