[Article issu de la Newsletter] L’actualité offre parfois des moments d’incongruité. En milieu de semaine dernière, alors que le gendarme des télécommunications sénégalais lançait un appel public à candidatures pour l’attribution des licences 5G, les citoyens du pays se voyaient priver de l’accès le plus basique aux réseaux sociaux et aux messageries (et même à l’internet mobile ce dimanche) dans la foulée du jugement de l’opposant Ousmane Sonko – deux ans de prison, pour “corruption de la jeunesse”.
Une initiative parfaitement assumée. « Tout en appelant au calme et à la sérénité, l’Etat du Sénégal a pris toutes les mesures pour garantir la sécurité des personnes et des biens », a justifié le ministre de l’Intérieur. Mais cette décision a évidemment provoqué l’ire des utilisateurs et des ONG de défense des droits humains. Amnesty international a ainsi « condamné les restrictions d’accès aux réseaux sociaux », et Paradigm Initiative a demandé aux « fournisseurs de réseau une connexion internet transparente et rapide pour les citoyens ».
📉 Accès restreint aux réseaux sociaux et WhatsApp au #Sénégal, selon les mesures de @netblocks, au soir de la condamnation de l'opposant Ousmane #Sonko. https://t.co/VdTeRmv4LX
— Teknolojia 📨🌍 (@TeknolojiaNews) June 1, 2023
Ce n’est pas la première fois que l’« affaire Sonko » (ou « les affaires »), qui se mue à chaque épisode en contestation du pouvoir, pousse les autorités à la censure. L’arrestation du leader du Pastef, en 2021, avait déjà provoqué ce genre de mesures. Mais au-delà de ce dossier, la présidence Macky Sall semble avoir un problème avec les réseaux sociaux. « Cancer », « peste mondiale », le chef de l’Etat n’a pas de mots assez durs pour qualifier ces plateformes perçues comme facteur de déstabilisation de la société.
Permettre le vivre ensemble en société ou éviter à son pouvoir de vaciller… Quel est vraiment le but ? En tout cas, une chose est sûre : le pays s’illustre de plus en plus dans les rapports pointant les atteintes aux libertés numériques en Afrique. Le Sénégal a ainsi reculé de 55 places en deux ans dans le classement mondial établi par Reporters sans frontières (104e place en 2023). Et une toute récente étude de l’Agence française de développement, sur les libertés numériques dans la sous-région, pointe le flou qui entoure la chasse aux « fake news » engagée par le gouvernement, qui a emmené bien des internautes derrière les barreaux.
Pourtant, par le passé, le pays avait montré sa capacité à organiser, sur ces mêmes réseaux, un débat démocratique vigoureux, notamment lors de la présidentielle 2019. Et ce faisant, montrait l’exemple à toute une région. En attendant de revoir ce Sénégal-là, les citoyens du pays se ruent massivement sur les VPN…