Cette startup française qui aide des régimes africains à surveiller leurs populations

Après Pegasus, voici Predator. Vous l’aviez peut-être lu il y a quelques semaines, ce logiciel espion, dont la fonction fait aussi froid dans le dos que son nom, avait été retrouvé en août dernier dans l’iPhone de l’ancien député égyptien de l’opposition, Ahmed Eltantawy, par Citizen Lab, un centre de recherche sur la surveillance numérique rattaché à l’Université de Toronto, au Canada.

Cette révélation avait même poussé la société française de cybersécurité Sekoia à analyser les infrastructures utilisées par Cytox, développeur de Predator. Elle y avait trouvé des traces à Madagascar, et estimait que le gouvernement malgache avait certainement utilisé Predator, à quelques semaines de l’élection présidentielle du 9 novembre. Cette conclusion était une preuve de plus du lien entre le gouvernement malgache et Intellexa, la maison-mère de Cytrox, dirigée par le vétéran de l’industrie du cyber-renseignement Tal Dilian. En septembre, le média Intelligence Online avait révélé que ce dernier avait signé un contrat avec ce même gouvernement, par l’intermédiaire d’une entreprise française.

On connait désormais le nom de cette société : Nexa. Une enquête journalistique internationale, baptisée “Predator Files”, impliquant 15 médias internationaux (dont Mediapart et Der Spiegel) et coordonnée par le réseau European Investigative Collaborations (EIC), avec l’assistance technique du Security Lab d’Amnesty International, a révélé la semaine dernière que Nexa avait aidé Intellexa à vendre Predator aux gouvernements malgache, égyptien et vietnamien.

Ce n’est pas tout : toujours selon l’enquête, Nexa aurait aussi fourni d’autres matériels d’espionnage, dont un système de surveillance de masse de l’internet, à de nombreuses autres régimes, sous le regard complaisant des services secrets français, et sans que l’État y trouve à redire.

C’est le cas en Libye. Alors même que Nexa – anciennement connue sous le nom d’Amesys – et son fondateur Stéphane Salies ont été mis en examen en juin 2021 pour “complicité de torture” pour avoir vendu du matériel d’espionnage au régime du dictateur déchu Mouammar Kadhafi en 2007, la société aurait récidivé treize ans plus tard au profit, cette fois, de l’actuel homme fort de l’Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar.

Nexa aurait même bénéficié d’un accès direct au président Emmanuel Macron et fait appel à son ancien conseiller Alexandre Benalla comme intermédiaire en Arabie saoudite.

Une enquête judiciaire est en cours, mais aurait “été entravée par le procureur national antiterroriste et par un ministre”, assure Mediapart. Nexa conteste les faits qui lui sont reprochés (image générée par IA).

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