On n’arrête plus Wave. Et cela va être, pour ses concurrents directs, de plus en plus dur. Le 14 avril dernier, la licorne basée à Dakar, au Sénégal, a obtenu, via sa filiale Wave Digital Finance, sa licence d’Etablissement de monnaie électronique. Qu’est-ce que cela signifie ? Que la Fintech peut désormais se passer d’intermédiaires (les banques) pour proposer ses propres produits financiers, et ce dans toute la sous-région, puisque le précieux sésame a été délivré par la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). C’est une première pour une structure non-bancaire, non-opérateur de télécommunications.
Wave pourra aussi diversifier son offre au sein de l’espace UEMOA, en déployant paiements marchands, épargne, crédit et les transferts d’argent internationaux. Les acteurs historiques du secteur ont sans doute du souci à se faire.
Wave Mobile Money devient la première fintech opérant dans plusieurs pays de l’UEMOA à obtenir la licence d’Établissement de Monnaie Électronique de la @BCEAO_Officiel.
— Wave Sénégal (@WaveSenegal) April 21, 2022
Lire le communiqué ici: https://t.co/XZ7Jlj04VR pic.twitter.com/O4psm6CzDx
Finalement, l’obtention de ce précieux sésame n’est que la récompense logique d’une fulgurante progression. Et d’une insolence assumée. Car dans les pays où elle est déjà implantée, notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire – elle l’est aussi au Burkina Faso, au Mali et en Ouganda -, la startup a pris le parti de jouer les trouble-fête, en appliquant une politique de prix très agressive. Au Sénégal, par exemple, Wave a causé en mai 2020 un petit séisme dans le mobile money local en proposant des offres à frais fixes de transaction, des frais équivalents à 1% des montants. Elle est devenue depuis le premier fournisseur de services d’argent mobile du pays. En Côte d’Ivoire, au printemps suivant, rebelote : frais à 1%, gratuité des dépôts et des retraits… La concurrence en est restée tétanisée.
Il est vrai qu’il y a eu une forme d’arrogance à ignorer cette petite Fintech, fondée par deux Américains, Drew Durbin et Lincoln Quirk, en 2011 et qui ne semblait guère faire le poids face aux historiques du secteur, bien installés en Afrique de l’Ouest. En face, ces derniers, tels Orange, MTN ou Moov, taxaient à plus de 3%, parfois jusqu’à 10%.
Chouchoute des investisseurs
Mais l’hégémonie dans cette sous-région n’est pas celle que connaît l’est du continent, où le mobile money est dans les usages depuis près de 15 ans et sous la domination écrasante de M-Pesa. A côté, l’Afrique de l’Ouest, pas vraiment conquise, laisse des perspectives de croissante mirobolantes. Selon la GSMA, le groupement mondiaux des opérateurs, de 2020 à 2021, le nombre d’opérations a augmenté de 27% et le montant total de 60%. Engouement d’une part, frilosité des adversaires de l’autre : la fenêtre de tir de Wave paraissait évidente.
Certes, la concurrence a fini par réagir, en s’alignant notamment sur les prix. Mais un peu tard : Wave a entretemps multiplié des levées de fonds et attiré des investisseurs de renom au premier rang desquels le célèbre accélérateur américain Y Combinator, Stripe, le français Partech ou encore les californiennes Founders Fund et Serena Ventures. En septembre 2021, elle récolait 200 millions de dollars (188 millions d’euros), portant sa valeur à 1,7 milliard de dollars et faisant d’elle la première licorne d’Afrique francophone.
Sa nouvelle licence en poche, la startup vise également une expansion géographique. « Avec ce nouveau statut d’Établissement de monnaie électronique, nous aurons directement accès à la Banque centrale, au même pied d’égalité que nos principaux concurrents, et nous aurons toutes les cartes en main pour contribuer plus efficacement à leur mission de promotion de l’inclusion financière dans la région », a déclaré Coura Carine Sène, directrice régionale de Wave dans l’UEMOA. Désormais bien armée, la Fintech lorgne le Togo, le Niger, le Bénin et la Guinée-Bissau.