Comment les réseaux sociaux ont transformé la politique kényane

Cet article de John Ndavula a été initialement publié sur le site The Conversation à cette adresse. Il a été traduit par l’équipe de Teknolojia.


Les médias sociaux ont ouvert aux candidats [kényans] des espaces leur permettant de communiquer avec les électeurs de manière plus directe que les formes traditionnelles de campagnes comme les rassemblements, les panneaux publicitaires et les médias traditionnels. Ils améliorent le flux d’informations entre les candidats et les électeurs. Les médias traditionnels, en revanche, sont coûteux ; le retour d’information est limité et ils privilégient les candidats de l’élite.

Les campagnes politiques visent à informer, à mobiliser, à impliquer et à établir des liens avec les électeurs. Les médias sociaux amplifient cet aspect et créent une communauté de défenseurs d’un candidat qui se présente aux élections. Ils permettent aux hommes politiques de mener des campagnes permanentes et d’aborder un éventail plus complet de positions politiques que ce qui peut être transmis à la télévision ou à la radio.

Les médias sociaux ont été utilisés avec parcimonie par les hommes politiques lors des élections kenyanes de 2007. Toutefois, leur utilisation s’est considérablement accrue lors des élections de 2013, et elle a été encore plus importante lors des élections de 2017. Plus de 80 % des candidats étaient [alors] présents en ligne et la coalition politique gagnante, la Jubilee Alliance, a utilisé les médias sociaux de manière très agressive.

Le plus grand attrait pour ces politiciens est le grand nombre de Kényans présents sur les réseaux sociaux. Selon les dernières données disponibles, le taux de pénétration d’internet au Kenya est de 90%. Il y a, dans le pays, huit millions d’utilisateurs de ces réseaux et plus de 80% des Kényans visitent des plateformes telles que Facebook, YouTube et WhatsApp.

Il n’est pas étonnant que le président Uhuru Kenyatta, qui était un twittos actif en 2017, ait été parmi les dix premiers politiciens africains à tweeter. Mais, bien que les candidats à des fonctions supérieures aient utilisé les médias sociaux, les plus grands bénéficiaires ont été les candidats faisant campagne pour des fonctions inférieures, en particulier dans les comtés.

Par exemple, un candidat au Parlement de Nairobi, qui se présentait pour la première fois, a misé sur ces réseaux pour sa campagne avec un succès remarquable. Sans le soutien d’un grand parti politique, l’activiste politique Boniface Mwangi a profité de ses nombreux partisans sur Twitter (1 500 000), Facebook (439 200) et Instagram (115 000) pour lancer une campagne en ligne de grande envergure.

Les médias sociaux offrent donc un forum pour un libre échange d’idées, sans être limité par des déséquilibres de pouvoir et de ressources. Mais comme je le conclus dans mon livre Social Media and Political Campaigns in Kenya, les acteurs politiques établis disposent de ressources pour exploiter la communication en ligne. Les hommes politiques influents sont toujours en tête et leurs tweets façonnent l’opinion publique.

Cortège de Uhuru Kenyatta en 2013 (crédit : Jasmine Halki / Flickr /CC)

Le pouvoir des médias sociaux

La portée des médias sociaux est plus grande chez les jeunes électeurs, qui ont intégré les plateformes en ligne plus étroitement dans leur vie personnelle. Ils sont attirés par les nouvelles formes de communication pour l’interaction sociale et la satisfaction personnelle. Un contenu de campagne politique accrocheur peut également attirer leur attention.

Cela peut alors ouvrir la porte à des actions plus significatives. Par exemple, les jeunes électeurs peuvent s’inscrire. Ils peuvent également discuter des questions relatives à la campagne électorale avec leurs amis ou leurs parents.

Pour les candidats disposant de ressources limitées, les médias sociaux offrent la possibilité de recueillir de petites contributions auprès d’un grand nombre de personnes. Mwangi a illustré cette tendance en collectant des fonds par le biais d’appels sur les réseaux sociaux. Il a même obtenu un camion de campagne de la part d’un partisan sur Twitter.

De nombreux autres candidats au niveau des comtés ont collecté des fonds de campagne à des degrés divers en mobilisant des ressources sur les groupes WhatsApp et Facebook, l’argent étant acheminé par les services d’argent mobile.

Néanmoins, la popularité en ligne d’un candidat n’est pas un bon indicateur de sa popularité réelle dans les urnes. Lors des élections de 2013, les candidats à la présidence qui avaient le plus de succès sur Facebook, à l’exception de Kenyatta, n’ont pas réussi à enregistrer une popularité similaire au moment du vote. Lors des élections de 2017, Peter Kenneth et Miguna Miguna n’ont pas non plus traduit leur énorme popularité en ligne en votes pour la course au poste de gouverneur dans le comté de Nairobi.

Médias sociaux et démocratie

La connectivité et l’interactivité numériques peuvent améliorer les connaissances et les informations politiques. Comme tout le monde peut, en principe, utiliser le web pour s’adresser au public, l’espoir demeure que des acteurs auparavant marginalisés puissent exploiter le pouvoir des médias sociaux pour gagner en visibilité.

D’un autre côté, les espaces en ligne peuvent être utilisés comme des moyens de propagande, d’incitation à la violence, de discours de haine ou d’appel à la haine. Les campagnes en ligne ont été déshonorées par des entreprises telles que Cambridge Analytica, qui a mené une campagne négative pour la Jubilee Alliance lors des élections de 2017.

En outre, des politiciens ont été victimes de cyberintimidation par des Kényans sur Twitter (#KOT). Le président Kenyatta a été traqué sur Twitter et Facebook sous le hashtag #KOT. Et un récent sondage a révélé que 90% des Kényans avaient été confrontés à de fausses nouvelles concernant les élections de 2017.

Cela peut potentiellement porter atteinte à la liberté d’expression en ligne.

Leçons tirées

Il y a plusieurs leçons à tirer des expériences des élections de 2013 et 2017. Premièrement, les plateformes de médias sociaux sont un outil de communication et non une fin en soi. Pour que les messages soient plus efficaces, même les candidats à des postes moins élevés peuvent avoir besoin d’engager des responsables de la communication rémunérés.

Deuxièmement, les médias sociaux ont acquis la réputation de véhiculer de fausses nouvelles, des politiques toxiques et de réduire la qualité des débats politiques. Il existe de nombreux cas où les messages politiques ont évolué vers des comportements contraires à l’éthique ou potentiellement criminels.

Il est donc nécessaire de revoir la réglementation existante afin que les espaces en ligne soient plus sûrs pour les candidats politiques et les électeurs. Les institutions qui réglementent les technologies de communication ou qui surveillent les discours de haine ne doivent pas être utilisées sur ordre de l’élite au pouvoir, mais doivent plutôt s’efforcer de faire appliquer la loi pour les candidats de tous horizons. (Photo : World Trade Organization / Flickr / CC)

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