[Article issu de la Newsletter] Vous connaissiez les campagnes d’influence russes en Afrique… En voici la version israélienne. Un journaliste de Radio France, un autre du journal israélien Haaretz et un troisième du média économique israélien TheMarker ont infiltré « Team Jorge », une entreprise clandestine israélienne accusée, entre autres, d’avoir manipulé de nombreuses élections dans le monde, notamment au Kenya et au Nigeria.
Sans statut légal, Team Jorge est en fait un groupe d’anciens membres des services de sécurité israéliens, organisés autour de Tal Hanan, aussi connu sous le nom de Jorge. En se faisant passer pour des clients potentiels, les trois journalistes ont découvert que Jorge et ses comparses revendiquaient être « intervenus dans 33 campagnes électorales au niveau présidentiel », dont « les deux tiers en Afrique anglophone et francophone ».
Au menu : piratage de comptes emails et de messageries, espionnage, mise sur écoute de personnalités politiques… Surtout, les journalistes ont découvert l’existence d’Advanced Impact Media Solutions (AIMS), une plateforme numérique développée il y a six ans par Team Jorge qui permet de créer des faux comptes à volonté, de les animer afin de les rendre crédibles et d’interagir entre eux et avec de vraies personnes. Début janvier 2023, le système exploitait 39 213 avatars différents, consultables dans une sorte de catalogue.
Malgré un arsenal impressionnant, les manœuvres de Team Jorge n’aboutissent toutefois pas toujours au résultat escompté. Au Kenya, malgré le piratage des comptes de cinq membres clés de l’équipe de l’homme politique William Ruto, celui-ci a tout de même remporté l’élection présidentielle de 2022. Ce fut également le cas au Nigeria en 2015 : l’aide, désormais attribuée à Team Jorge, de « hackers israéliens » n’a pas permis à la désormais fameuse entreprise Cambridge Anlalytica de faire réélire le président sortant, Goodluck Jonathan. Au total, l’équipe de Tal Hanan revendique 27 succès sur 33 campagnes d’influence sur des élections.
L’enquête globale, « Story Killers », menée en collaboration avec le consortium de journalistes Forbidden Stories, regroupant une trentaine de médias internationaux, comme Le Monde et The Guardian, poursuit le travail de la journaliste Gauri Lankesh, qui enquêtait sur le marché mondial de la désinformation avant d’être assassinée en Inde, en 2017.