Ghana : l’humain doit être derrière les services de santé mobiles en zones rurales

Cet article rédigé par Robert E. Hinson a été initialement publié sur le site The Conversation, à cette adresse. Il a été traduit par l’équipe de Teknolojia.


L’Organisation internationale du travail a estimé en 2015 que 56% des personnes vivant dans les zones rurales du monde entier n’ont pas accès aux services de santé essentiels. Au Ghana aujourd’hui, ces populations ne peuvent pas toujours bénéficier de soins de santé de base comme les examens prénataux et les vaccinations, car il n’y a pas assez d’établissements de santé de qualité ni de personnel qualifié. Or la technologie mobile offre des moyens de combler ces lacunes : elle peut réduire les coûts et mettre les gens en contact avec les prestataires de soins de santé appropriés.

La santé mobile, ou m-santé (m-health), implique l’utilisation d’appareils portables pour créer, partager et stocker des informations afin d’améliorer la sécurité et les soins aux patients. Elle comprend l’utilisation de technologies mobiles telles que les SMS, les appels vocaux et la transmission de données sans fil pour collecter ou diffuser des informations relatives à la santé. Et pour offrir des soins directs sous forme de conseils.

Les solutions m-health ont été utilisées pour surveiller les patients cardiovasculaires en Chine et aux États-Unis, par exemple. Et au Japon ainsi qu’en Afrique du Sud, la m-santé permet aux habitants des régions reculées du pays de communiquer via des réseaux sans fil afin d’obtenir des informations opportunes pour gérer leur propre santé. Le Ghana pourrait être un bon candidat pour ces services en raison de son importante population rurale médicalement mal desservie et de sa large adoption des technologies mobiles.

La Banque mondiale estimait en effet que les ruraux représentaient 44% de la population du Ghana en 2018. Et le ratio médecins / patients dans ces régions rurales est d’environ 1 pour 18 257 habitants contre 1 pour 4 099 dans les villes. En revanche, le pays a le taux de pénétration de téléphonie mobile le plus élevé d’Afrique de l’Ouest. Fin 2019, le taux d’adoption s’élevait à 55%, supérieur à la moyenne régionale de 44,8%. Cela signifie qu’un grand nombre de gens vivant à la campagne pourraient bénéficier de services numériques pour améliorer leur santé.

Dans notre étude (2018), nous avons examiné comment la santé mobile pourrait être utilisée ou améliorée dans le cadre de l’effort visant à élargir l’accès aux soins de santé maternelle pour les Ghanéennes des zones rurales. Nous avons développé un modèle pour évaluer la qualité des services de santé maternelle. Nous voulions savoir quels aspects de la qualité des services influenceraient la satisfaction des utilisatrices et l’utilisation continue d’un service de m-santé.

Notre étude a révélé que la qualité de l’interaction humaine – en d’autres termes, la personne qui fournit le service – avait un impact positif et significatif sur la satisfaction de l’utilisatrice. Nous avons également établi que les personnes les plus vulnérables pouvaient manifester un grand intérêt pour les innovations en matière de santé telles que la m-santé et pouvaient être plus disposées à continuer à utiliser ces services que les personnes en bonne santé.

Ce que nous avons constaté

Le Ghana a connu une prolifération de programmes de m-santé parallèlement à l’augmentation des taux d’utilisation du téléphone par la population. Au moins 22 projets différents ont été pilotés depuis 2004. Les femmes interrogées dans le cadre de notre étude ont utilisé les services de m-santé pour suivre des questions courantes liées à la grossesse, comme le développement de leurs bébés et l’état de leur propre santé.

Pour évaluer la qualité des services, nous avons mesuré trois aspects : la qualité du système (perception par les utilisatrices du niveau technique de communication) ; la qualité de l’interaction (communication entre le fournisseur de services et la consommatrice) ; et la qualité de l’information (avantages des services d’information).

Ces trois aspects étaient positives et significatives en cas d’utilisation continue. Mais nous avons constaté que parmi ceux-ci, la qualité de l’interaction avait le taux de satisfaction des utilisatrices le plus haut. En d’autres termes, ce qui importait le plus pour les femmes qui utilisaient le service était la communication avec le prestataire.

Nous avons également constaté qu’outre le coût d’acquisition d’un appareil portable et de connexion à un réseau mobile fiable, la patience du personnel de santé pour expliquer les problèmes et aider les personnes interrogées à s’y retrouver était le déterminant le plus important de la satisfaction des utilisatrices. Ce résultat contraste avec une étude qui a révélé que toutes les dimensions de la qualité du service avaient une relation positive avec la satisfaction.

Nous avons aussi montré une relation significative entre la satisfaction de l’utilisatrice et une utilisation continue. Les femmes qui étaient satisfaites du service ont déclaré qu’elles continueraient à l’utiliser. Les femme, dans les campagnes, qui perçoivent les coûts des services de m-santé (équipement et accès) comme étant abordables ont également plus tendance à être satisfaites et à vouloir continuer à les utiliser, en l’absence de soins alternatifs.

On pourrait avancer que le coût contribue également à une utilisation continue et nous avons constaté que la majorité des personnes interrogées (59%) utilisaient des téléphones partagés avec des parents et des amis pour accéder à ces services.

Malgré l’importance du coût, nous concluons que ce qui influence la perception de la qualité des services de m-santé, la satisfaction des utilisateurs et l’utilisation est l’aspect humain derrière le service.

Comment améliorer les services de santé mobiles

Les décideurs politiques et les prestataires de services peuvent tirer des enseignements de nos conclusions. Nous recommandons que le personnel de santé fournisse le bon service du premier coup. Il devrait fournir des informations sûres en ce qui concerne les soins de santé maternelle et adaptées à chaque individu.

Tout coût supplémentaire, tel qu’un frais de service, pourrait décourager les femmes habitant les campagnes d’utiliser celui-ci. Les décideurs politiques et les prestataires de services devraient envisager de développer et de déployer des programmes innovants de subvention pour la m-santé.

Enfin, les responsables des services de m-santé doivent constamment identifier les besoins changeants de leurs clients et améliorer leurs services en conséquence. Le ministère de la Santé et les institutions régionales de santé du secteur public pourraient envisager d’introduire ou de renforcer les unités de service client pour superviser les programmes de m-santé.

Les prestataires de services doivent également se rappeler que les besoins de la société évoluent au fil du temps. Le désir de qualité et les préférences des utilisateurs en matière de services technologiques pourraient changer à mesure qu’ils sont exposés aux technologies de l’information et aux services des concurrents. (Photo : CIAT / Flickr / CC)

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