« Sur réquisition, le gouvernement a procédé à une suspension de l’internet mobile pour une durée de 96 heures à compter du samedi 20 novembre sur toute l’étendue du territoire national. » Voici ce qu’on peut lire dans le communiqué, rendu public le mardi 23 novembre, par le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement burkinabè Ousséni Tamboura. Un privation renouvelée le lendemain, et pour 96 heures supplémentaires. Ainsi, au bas mot, le Burkina est parti pour une semaine complète de censure numérique.
Dans ce communiqué signé du Ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement @Ousseni_T , le Gouvernement du #Burkina explique les raisons de la suspension de l’Internet mobile 📲 pour 96 heures à compter du 20 novembre #internet @ocomar @y_jus @SE_LGD @yabsi1er pic.twitter.com/6ptuiL3lcw
— Dieudonné LANKOANDE (@Dieuson1) November 23, 2021
Le motif, comme souvent dans pareil cas – nous l’avons vu par exemple au Tchad -, est absolument flou. Dans les deux documents, le ministère de la Communication s’appuie sur les dispositions des articles 44 à 46 de la loi N°061-2008AN du 28 novembre 2008 – qui définissent notamment le lien de subordination entre les fournisseurs d’accès et les autorités, et les obligations des premiers – pour couper la connexion, invoquant « le respect des obligations de défense nationale et de sécurité publique ».
Le pays a de nouveau été l’objet d’attaques terroristes ces dernières semaines. Le 14 novembre, à Inata dans la province du Soum, les jihadistes ont tué 53 personnes, dont 36 militaires. En fin de semaine dernière, neuf gendarmes et une « dizaine de civils » ont également perdu la vie à Foubé, dans le nord du Burkina, dans des conditions similaires.
Surtout, une partie du pays est en proie à l’agitation sociale, que cristallise un convoi militaire français, toujours bloqué par des manifestants. Ces derniers accusent la France de faire le jeu des terroristes, et pour l’heure, la colonne de blindés est toujours empêchée de rejoindre le Niger et reste immobilisée sur la route entre Kaya et Ouagadougou. Plusieurs médias locaux ont directement lié la coupure d’internet à cette agitation.
Toujours est-il que la rupture d’accès à la toile courrouce opposition comme société civile. “L’histoire retiendra que le président du Faso Roch Marc Christian Kaboré, répondant à la sollicitation de la France, a décidé de priver ses concitoyens de la liberté d’expression par la restriction de l’accès à internet pendant quatre jours. Cette grave décision a été prise afin de sécuriser les intérêts d’un pays étranger”, avance ainsi Le Balai citoyen.
Au-delà des motifs, la censure imposée par le pouvoir est condamnée par de nombreuses ONG, dont celles appartenant à la coalition #KeepItOn. « Les autorités ont pris une mauvaise décision en déconnectant des millions de personnes, mais la prolongation de 96 heures reflète vraiment leur mépris flagrant pour les droits humains, peut-on lire dans un communiqué. […] Il semble que ce soit la première fois que les autorités du Burkina Faso bloquent l’accès à Internet, mais on observe une tendance mondiale à l’ingérence des gouvernements dans la connectivité pendant les manifestations et les troubles civils. » (Photo : Sputniktilt / CC)