Pourquoi le Nigeria et l’Afrique du Sud doivent coopérer dans l’exploration spatiale

La création de la Commission binationale Nigeria-Afrique du Sud, créée en 1999 pour renforcer les relations entre les deux pays en matière de commerce, d’économie, de politique et de gouvernance, est une bonne idée. Mais il manque un élément à cette institution : un volet dédié à l’exploration spatiale.

La coopération spatiale entre les deux pays permettrait de faire avancer les efforts du Programme spatial africain, l’une des priorités de l‘Agenda 2063, le cadre stratégique de l’Union africaine pour l’intégration régionale et le développement socio-économique.

Pour guider la mise en œuvre de ce programme, les chefs d’État et de gouvernement africains ont adopté une Stratégie spatiale africaine (African Space Policy and Strategy) en 2016. Deux ans plus tard, en 2018, était fondée l’Agence spatiale africaine, dont la mission est de coordonner les activités spatiales sur le continent.

Mais, en réalité, la réussite de la mise en œuvre du Programme spatial de l’UA dépend grandement de la coopération entre le Nigeria et l’Afrique du Sud. Et pour cause : ce sont les deux premiers pays de la région en termes d’économie, de science et de développements dans le domaine spatial.

La coopération spatiale entre ces deux géants africains n’est pas seulement avantageuse en soi. Elle peut également permettre d’atteindre d’autres objectifs, notamment la création d’emplois pour les Nigérians et les Sud-Africains grâce à des recherches conjointes. Et ce dans quatre domaines majeurs : l’observation de la terre, la communication par satellite, la navigation et le géolocalisation, et, enfin, les sciences spatiales et l’astronomie.

Domaines potentiels de coopération

Observation de la Terre

Il s’agit de prendre des photos de la surface de la Terre depuis une plateforme positionnée en hauteur, voire dans l’espace. Ces images sont ensuite analysées, interprétées et les résultats sont utilisés pour l’élaboration de politiques et la prise de décisions.

Parmi les plateformes utilisées pour prendre ces photos, on retrouve les mongolfières, les avions spatiaux, les plateforme stratosphérique (High-Altitude Platforms, ou HAP) et les satellites – ces derniers étant les plus stables.

Le Nigeria dispose de trois satellites d’observation de la Terre : NigeriaSat-1, NigeriaSat-2 et NigeriaSat-X. Ces satellites à orbite polaire seraient plus utiles à l’Afrique du Sud, car elle est plus proche de l’Antarctique. En outre, l’Afrique du Sud a la capacité de traiter, d’analyser et d’interpréter les données. La coopération spatiale entre les deux nations permettrait donc à l’Afrique du Sud d’accéder aux images de ces satellites nigérians et au Nigeria, de disposer des connaissances techniques de l’Afrique du Sud.

Le Nigeria et l’Afrique du Sud font partie des quatre signataires de l’African Resource Management Constellation (ARMC), avec l’Algérie et le Kenya. L’idée de cette coalition consistait, pour chacun des membres, à faire don d’un satellite à la constellation afin d’avoir accès aux données des autres satellites. Or, à l’heure actuelle, sur les quatre signataires, seuls le Nigeria et l’Afrique du Sud ont fourni des satellites – bien que ceux-ci aient aujourd’hui dépassé leur durée de vie. La coopération spatiale entre le Nigeria et l’Afrique du Sud pourrait constituer une étape vers la relance de l’initiative.

Par ailleurs, le Nigeria fait partie de la Disaster Monitoring Constellation (DMC), une constellation constituée de micro-satellites d’observation de la Terre [développée par la société anglaise Surrey Satellite Technology Ltd, ndlr] aux côtés de l’Algérie, de la Turquie et du Royaume-Uni [mais aussi de l’Espagne et de la Chine, ndlr]. L’Afrique du Sud, elle, fait partie de la Remote Sensing Satellite Constellation des BRICS [coopération entre le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, ndlr].

De la même manière, le Nigeria et l’Afrique du Sud pourraient également bénéficier des réseaux de l’autre. Mais il faudrait pour cela qu’ils concluent un accord fonctionnel d’accès et de partage des données.

Communication par satellite

Elle est utilisée pour les communications à longue distance et pour relier les régions éloignées d’un pays. Les services de communication par satellite au Nigeria et en Afrique du Sud sont principalement gérés par des entreprises étrangères.

En 2011, le Nigeria a acheté à la Chine un satellite de communication, Nigcomsat-1R. L’objectif était de réduire les coûts de communication et d’accroître la connectivité rurale.

L’Afrique du Sud, de son côté, construit actuellement son premier satellite de communication, mais ce projet est retardé par des problèmes de financement. Elle pourrait, par exemple, accorder une licence d’exploitation à Nigcomsat Limited, ce qui permettrait de réduire le coût des services de communication en Afrique du Sud.

Navigation et géolocalisation

Le Système mondial de navigation par satellite (GNSS) est utilisé dans un certain nombre d’applications, notamment l’agriculture de précision, l’arpentage [la technique géographique de la mesure de la superficie des terres, en particulier des terrains agricoles, ndlr] et le calcul du temps avec exactitude.

La Chine et l’Union européenne font pression pour que leurs services de navigation par satellite soient utilisés en Afrique. L’UE a étendu l’exploitation de son système d’augmentation spatiale, le Service complémentaire européen de navigation par satellites géostationnaires (European Geostationary Navigation Overlay Service, ou EGNOS) à l’Afrique. La Chine préconise l’utilisation de son système Beidou.

L’interopérabilité et la compatibilité de ces systèmes mondiaux de navigation par satellite n’ont pas été résolues. Le continent africain est donc exposé au risque d’erreurs, d’incohérences ou de perte totale des services de navigation par satellite. Par conséquent, il est urgent que les pays africains coopèrent, coordonnent et harmonisent les services par satellite. L’Afrique du Sud et le Nigeria peuvent prendre l’initiative.

Sciences spatiales et astronomie

L’astronomie est l’étude des objets et des processus qui se produisent en dehors de l’atmosphère terrestre.

L’Afrique du Sud possède plusieurs installations astronomiques, comme l’Observatoire de radioastronomie Hartebeesthoek (HartRAO), l’Observatoire de radioastronomie d’Afrique du Sud (SARAO), l’Observatoire d’astronomie d’Afrique du Sud (SAAO), le Grand télescope d’Afrique australe (SALT), le SANSA Sapce Science (anciennement connu sous le nom d’Observatoire magnétique Hermanus).

Les télescopes optiques du SAAO, situés à Sutherland, ont été modernisés. Ils peuvent désormais être commandés à distance depuis n’importe quel endroit du monde via internet. Ainsi, les astronomes nigérians peuvent accéder aux télescopes sud-africains depuis leur ordinateur de bureau. Il leur suffit de négocier des créneaux avec l’observatoire.

Les scientifiques s’intéressent de plus en plus à la façon dont le Soleil affecte la Terre et son environnement – une discipline que l’on appelle la météorologie spatiale. Ce phénomène peut perturber l’alimentation électrique et les signaux de navigation par satellite. Il est donc mutuellement bénéfique pour le Nigeria et l’Afrique du Sud de coopérer en matière de météorologie de l’espace et de recherche atmosphérique. Cela leur permettra de mieux comprendre le phénomène de la météo solaire, de prévoir son apparition et de s’y préparer.

Recommandations

Pour faciliter la coopération spatiale, le Nigeria et l’Afrique du Sud pourraient prendre certaines mesures immédiates.

Tout d’abord, ils pourraient créer un forum spatial nigério-sud-africain, qui servirait de plateforme d’interaction et d’échange entre les professionnels des deux pays. – à l’image du US-Japan Sapce Forum. Un tel forum pourrait conseiller les gouvernements sur des positions communes, notamment sur des questions politiques telles que la durabilité de l’espace et la gestion du spectre.

Ensuite, l’accord de coopération entre la National Space Research and Development Agency (NASRDA) nigeriane et la South African National Space Agency (SANSA) devrait être renforcé.

Le Nigeria et l’Afrique du Sud pourraient également nommer des experts du domaine spatial comme attachés scientifiques dans leurs ambassades respectives. Cela permettrait de garantir la rapidité des échanges et le soutien nécessaire aux professionnels en visite.

Enfin, les deux pays doivent élaborer une stratégie globale pour la connaissance de l’espace et le développement de la main-d’œuvre correspondante, qui inclurait une révision des programmes scolaires ainsi que des programmes de formation des institutions dédiées à l’enseignement des sciences spatiales. (Crédit image : SANSA)

Cet article d’Etim Offiong a été initialement publié sur le site The Conversation à cette adresse et traduit par l’équipe de Teknolojia.

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