Zim Cyber City : au Zimbabwe, une ville intelligente qui soulève bien des questions

Le Sénégal a son Diamniadio, le Zimbabwe construit sa Zim Cyber City. Et le pouvoir zimbabwéen voit grand : il s’agit, ni plus ni moins, que de la future Dubaï d’Afrique australe, selon le site du projet. Une smart city, qui se construit dans le nord-ouest d’Harare, et où se côtoieront lieux de pouvoir, centres commerciaux et zones résidentielles. Car Zim Cyber City est aussi un gros projet immobilier – dont les appartements et maisons sont déjà en vente – qu’il faudra nécessairement rentabiliser. D’autant plus qu’on y promet « un niveau de vie élevé ». Alors, les promoteurs ne lésinent pas sur la communication…

C’est que l’investissement est important. Plus de 470 millions d’euros ont déjà été engloutis, mais à terme, on parle plutôt de 56 milliards d’euros. Si Mulk International, société basée aux Émirats arabes unis, est à la manœuvre, la Chine a, elle aussi, mis la main à la pâte en construisant le nouveau siège du Parlement – déjà prêt à l’emploi. Zim Cyber City, c’est donc tout à la fois la nouvelle devanture politique et économique d’un pays pourtant en grandes difficultés, notamment face à une inflation galopante. Ce pays de 16 millions d’habitant traverse une grave crise économique et traîne, derrière lui, d’importantes dettes.

Mais cette belle vitrine, quoi qu’elle cache, compte aussi certaines malfaçons. Car Zim Cyber City est très tech, mais aussi très surveillée. Mulk International dit qu’elle installera « une technologie de surveillance directement connectée aux autorités chargées de l’application de la loi », explique le site Context. Ce qui n’est guère rassurant, dans un pays où les opposants sont malmenés par le régime d’Emerson Mnangagwa. Caméras, évidemment, mais aussi reconnaissance faciale. En tout cas, c’est ce qu’affirment les défenseurs des droits humains, comme Tawanda Mugari, co-fondateur de Digital Society Africa (DSA). « Ils peuvent utiliser [ces technologies] à leur propre avantage, pour identifier les gens », redoute ce dernier.

En réponse, la ministre de l’Information, Monica Mutsvangwa, a déclaré, toujours au site Context, que les systèmes de sécurité de la nouvelle ville allaient simplement être utilisés pour assurer la sécurité des résidents et que « la vie privée de personne ne sera compromise », sans plus d’explications.

Mais il est vrai qu’il y a de quoi se poser des questions. En effet, depuis l’arrivée au pouvoir d’Emerson Mnangagwa, en 2017, la surveillance est devenue un pilier du maintien de l’ordre au Zimbabwe, et les entreprises chinoises sont les bienvenues pour donner un coup de main. Pékin est aussi un soutien financier précieux pour les opérateurs locaux.

Alors, certes, le pays s’est bien doté d’une loi sur la cybersécurité et la protection des données, en 2021, mais celle-ci ne peut rien face aux « impératifs de sécurité ». Pire, elle permettrait une plus grande répression des voix dissidentes, sous prétexte de lutte contre les fausses informations. (Photo : Zim Cyber City)

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