Une élection, une censure. C’est désormais un adage dans certains pays africains. Et une réalité, actuellement, au Niger. Depuis le second tour de la présidentielle, qui a vu le candidat du pouvoir, Mohamed Bazoum, l’emporter avec 55,75% des voix face à l’opposant Mahamane Ousmane, le pays connaît une forte perturbation de l’accès à internet. A dessein.
L’internet mobile a été coupé au niveau des quatre opérateurs du pays (Niger Telecom, Zamani Telecom, Moov Africa Niger, Airtel Niger) au lendemain du scrutin, alors que le pays connaissait de violentes manifestations à Niamey et dans plusieurs grandes villes. L’opposition contestait – et conteste toujours – les résultats de l’élection. Et depuis, la censure numérique perdure, sans que les autorités n’y aient apporté une quelconque justification.
Cette coupure a été unanimement dénoncée par les organisations de défense des libertés numériques. Pour Access Now, « les autorités nigériennes n’ont pas le droit de censurer la population ». « Nous observons la tendance très inquiétante des fermetures d’internet qui déferlent sur le continent africain comme une vague d’oppression. Ce n’est pas acceptable pendant une élection, ce n’est pas acceptable les 364 autres jours de l’année », écrit Felicia Anthonio, responsable de la campagne #KeepItOn au sein de l’ONG.
Même constat du côté d’Africtivistes, qui appelle « les autorités à respecter le droit d’informer et d’accès à l’information des citoyens » et les opérateurs « à ne pas être complices du gouvernement dans ses tentatives de musellement de l’opinion ».
#Niger 8 jours de coupure internet. AfricTivistes exhorte les autorités à mettre fin aux violations des libertés. Elle appelle à une enquête indépendante sur la repression policière, les morts et arrestations. Elle insiste sur le dialogue pour 1e alternance pacifique. #KeepItOn pic.twitter.com/yjmcvwhSA8
— AfricTivistes (@AFRICTIVISTES) March 3, 2021
Une plainte en préparation
D’autres ont voulu aller plus loin. Ali Idrissa, coordonnateur du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire et de l’Observatoire du processus électoral au Niger, menace ainsi les autorités d’une plainte au niveau national comme international.
Dans une interview à la radio allemande Deutsche Welle, ce dernier explique que « l’Etat met en danger la vie des citoyens nigériens » : « C’est la première fois qu’on suspend toute fourniture d’internet dans notre pays. […] Ce n’est même pas seulement la communication ! C’est le droit au travail ! Il y en a certains qui n’arrivent plus à travailler sans internet. » La plainte qu’Ali Idrissa compte déposer viserait à la fois l’Etat nigérien et les opérateurs, jugés complices de la censure.
Les plaintes au niveau national aboutissent rarement en Afrique, la raison sécuritaire prévalant la plupart du temps sur les libertés de communication. Mais elles permettent, comme au Tchad en 2018, de connaître parfois plus en détails les raisons d’un black-out. On se souvient aussi qu’au niveau régional, le Togo avait été condamné par le Cour de justice de la Cédéao, une première qui devrait appeler d’autres condamnations. (Photo : NigerTZai / CC)
🗓️ Mise à jour : après dix jours de coupure, l’accès à internet a été rétabli au Niger. Trop tard pour éviter la plainte déposée par Ali Idrissa, tout comme celle de l’Association des jeunes avocats du Niger (AJAN) auprès du tribunal de commerce de Niamey.