Aura-t-il fallu une crise sanitaire mondiale pour qu’une bonne partie de la région oromo retrouve une connexion à internet ? En tout cas, c’est chose faite depuis l’annonce gouvernementale du 31 mars dernier. Ce jour-là, lors d’une conférence de presse, le vice-président de l’Oromia, Shimelis Abdisa, a officialisé le retour de la connexion, arguant que la situation sécuritaire s’était apaisée dans les zones de Kellem Wellega, Oromia occidental, Wellega Ouest et Horo Gudru Wellega, rapportait la Fana Broadcasting Corporate.
#Ethiopia: Internet has been restored in west #Oromia zones pic.twitter.com/GxSxLFkdX9
— FBC (Fana Broadcasting Corporate S.C.) (@fanatelevision) March 31, 2020
La raison de ce « shutdown », décidé début janvier, était donc, selon les autorités, affaire de sécurité régionale. L’Oromia est le théâtre d’une rébellion indépendantiste depuis presque trois décennies. La région, grande comme la France et entourant la capitale Addis-Abeba, est aussi fréquemment secouée par des mouvements populaires (pour comprendre l’ensemble des griefs de sa population, constituant un tiers de la population éthiopienne, il y a cet article paru en 2016 sur RFI)
Problème : évidemment, comme chaque coupure d’internet, la blackout imposé pendant près de trois mois a eu des conséquences bien au-delà de la seule situation sécuritaire, empêchant les familles de communiquer entre elles et de nombreux services de fonctionner normalement.
Ce « shutdown » a aussi considérablement réduit la portée du travail des ONG sur place, notamment de celles travaillant sur les violations des droits humains. « Les restrictions affectent les rapports sur les événements critiques et les enquêtes sur les droits de l’homme, et pourraient aggraver une situation humanitaire déjà mauvaise », déplorait début mars la branche locale de Human Rights Watch.
L’appel de l’ONU
Si les autorités régionales ont justifié la reconnexion de ces provinces par un retour à une situation sécuritaire plus apaisée, cette décision intervient néanmoins deux jours seulement après un appel très officiel lancé par l’ONU. Ce qui ne peut que faire penser que celle-ci a pesé dans la balance. Le 27 mars, le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a en effet publié un communiqué dans lequel il s’alarme du blackout imposé par les autorités en pleine pandémie de Covid-19, enjoignant celles-ci à y mettre un terme.
« Nous sommes très préoccupés par l’interruption continue des communications dans certaines parties de l’Éthiopie et, plus généralement, nous demandons à tous les pays de veiller à ce que chacun ait un accès facile et sans entrave à l’internet et aux services téléphoniques, d’autant plus dans le contexte de la pandémie », détaillait ce communiqué.
Les coupures d’internet sont récurrentes en Ethiopie. En 2019, le pays arrivait en deuxième position dans le classement des pays ayant le plus censuré l’accès à la toile, derrière l’Algérie. (Photo : Joe Castleman / CC)