Où en est l’Afrique de la gestion de ses déchets électroniques ?

C’est un triste record. En 2019, 53,6 millions de tonnes de déchets électroniques ont été produits dans le monde et seulement 17,4% de ces déchets ont été officiellement identifiés comme correctement collectés et recyclés. C’est ce que révèle la dernière édition du Global E-waste Monitor.

Mais qu’en est-il précisément de l’Afrique ? Selon l’étude, le continent produit peu de déchets électroniques : 2,9 millions de tonnes l’année dernière, soit 2,5 kg par habitant. Bien loin d’autres continents – ayant aussi un plus grands accès aux nouvelles technologies – comme l’Europe (13,1 Mt) ou l’Asie (24,9Mt). En revanche, le pourcentage de déchets électroniques recyclés est extrêmement faible : il n’atteint même pas les 1% (0,9%).

Pourtant, note encore l’étude, des efforts ont été consentis, ces dernières années, dans plusieurs pays africains, notamment sur le plan de la législation et des infrastructures. C’est le cas au Ghana, au Nigeria ou au Rwanda, pays qui a récemment adopté un cadre législatif spécifique au traitement de ces déchets. Mais ce n’est pas suffisant, loin s’en faut. Dans la plupart des pays africains, il n’existe toujours pas de législation spécifique sur la gestion des déchets électroniques.

Cette gestion est ainsi surtout l’affaire du secteur informel africain. Il n’existe ni système de reprise organisé; ni dispositions en matière de licence pour le tri et le démantèlement des déchets électroniques, détaille encore le rapport : « La manipulation des déchets électroniques est souvent effectuée dans les arrière-cours, par décapage manuel pour retirer les cartes électroniques en vue de la revente, par brûlage à ciel ouvert des fils pour récupérer quelques composants majeurs (par exemple, le cuivre, l’aluminium et le fer), et par dépôt d’autres composants en vrac, y compris les tubes cathodiques, dans des décharges à ciel ouvert. »

(Crédit : Global e-Waste Monitor 2020)

Le symbole Agbogbloshie

A cette description, un image vient immédiatement à l’esprit : celle des amoncellements d’immondices électronique de la décharge d’Agbogbloshie, dans la périphérie d’Accra, au Ghana. Une décharge devenue le symbole d’un monde qui ne sait que faire du « surplus » de ce qu’il produit, et dont les clichés ont déjà fait maintes fois le tour du monde.

Chaque jours, au milieu des téléviseurs démembrés et carcasses de ferrailles, des milliers d’hommes, de femmes, mais aussi d’enfants s’affairent. Chaque année, près de 40 000 tonnes de déchets électroniques sont déversés dans ces immenses terrains vagues, non loin desquels habitent plusieurs dizaines de milliers d’habitants. « La réalité d’Agbogbloshie est complexe et peut être décrite comme une casse bien organisée par opposition à une décharge de déchets électroniques. À Agbogbloshie, environ 5 000 ferrailleurs se rendent chaque jour à la décharge pour y chercher les métaux précieux contenus dans les déchets, comme l’aluminium et le cuivre. », poursuit le Global E-waste Monitor 2020. Beaucoup des matières et composants extraits sont ainsi revendus.

► Lire également : Les ressources africaines de la Tech mondiale

Mais Agbogbloshie et ses « burner boys » sont aussi le symbole d’une autre réalité : l’Afrique ne fait pas que produire des déchets électroniques, elle en « reçoit » aussi beaucoup. Le continent est depuis longtemps une destination de choix pour le matériel électronique que les pays occidentaux ne souhaitent pas entreposer, traiter et recycler chez eux.

« L’occasion » fait le larron

Depuis près de vingt ans (1992), la Convention de Bâle interdit l’exportation de déchets dangereux d’un pays vers un autre, à moins qu’il soit possible de les réparer ou de les réutiliser. Une bonne excuse, donc, pour des pays peu scrupuleux. L’Europe n’est pas, loin de là, le plus mauvais élève dans le domaine, mais il n’en reste pas moins que, chaque année, de nombreux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) européens soient envoyés en Afrique et en Asie. 

C’est ce qu’a démontré l’ONG américaine Basel Action Network (BAN) dans un rapport publié en 2019 : en traquant du matériel impropre à une quelconque réutilisation, l’organisation a pu déterminer que près de 6% des DEEE sortaient du continent, en direction, majoritairement, des pays en développement. Par extrapolation, cela représente 350 000 tonnes de déchets par an. L’Afrique est concernée au premier chef (37% de ces exportations) : l’Italie, l’Espagne ou la Grande-Bretagne (désormais hors UE) continuent d’exporter des déchets électroniques vers le Nigeria, le Ghana ou la Tanzanie. (Photo : Muntaka Chasant / CC)

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