Après Paystack, c’est au tour d’un autre joyau technologique nigérian de passer sous le giron d’un géant américain. Ce 7 décembre, le spécialiste californien des datacenters Equinix a racheté MainOne pour 320 millions dollars, soit 283 millions d’euros.
Cette acquisition marque un tournant, non seulement dans l’histoire de cette société d’infrastructures télécoms nigériane, créée en 2010 par l’entrepreneure Funke Opeke, mais aussi pour tout le continent, puisqu’il s’agit du premier rachat majeur en Afrique d’une entreprise fondée par une femme et du plus important « exit » de l’année sur le continent, comme on appelle ce type de transactions dans le jargon financier.
Une société à 60 millions de dollars de chiffre d’affaires qui sert 800 clients professionnels
A l’origine, MainOne a commencé comme le premier câble sous-marin de fibre optique privé et ouvert d’accès de l’Afrique de l’Ouest, initié en 2008 par Funke Opeke, une ingénieure nigériane en électronique, qui est passée par Verizon, aux Etats-Unis et MTN Nigeria, avant de fonder Mainstreet Technologies, société-mère de MainOne. Aujourd’hui, la société emploie 500 personnes, enregistre 60 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel (53 millions d’euros) et a levé 240 millions de dollars en capital-risque et en dette (212 millions d’euros).
Le câble MainOne s’étend aujourd’hui sur 7 000 km, de Lagos au Nigeria à Seixal au Portugal, en passant par Accra, Abidjan ou Dakar, et la société possède également 65 points de présence (PoP) dans les pays parcourus par le câble. Mais ce n’est pas tout : MainOne est aussi propriétaire de 1 200 km de câble de fibre optique terrestre au Nigeria, dans les Etats de Lagos, d’Ogun et d’Edo.
Ce qui intéresse probablement le plus Equinix, toutefois, est certainement le potentiel de MainOne dans le secteur des datacenters. « Nos clients nous demandent depuis un certain temps “Quand allez-vous vous installer en Afrique de l’Ouest ? Nous avons vraiment besoin que vous y alliez parce que nous voulons y développer nos propres activités et nous voulons le faire sur votre plateforme” », détaille Judith Gardiner, vice-présidente d’Equinix pour les marchés émergents, dans un entretien fleuve donné à TechCrunch.
Equinix « aspire à devenir le premier fournisseur neutre d’infrastructures numériques en Afrique »
En plus de marquer l’irruption du géant américain sur le continent africain, les trois datacenters – bientôt quatre – de la société nigériane, gérés par sa filiale MDXi, servent aujourd’hui 800 sociétés en Afrique, parmi lesquelles « de grandes entreprises technologiques internationales, des sociétés de médias sociaux, des opérateurs de télécommunications mondiaux et des sociétés de services financiers et des fournisseurs de services en nuage », indique le communiqué d’Equinix. Ils permettront d’ajouter près de 6 000 m² au 53 000 m² que possède déjà Equinix grâce à ses 237 centres répartis dans 27 pays.
Sans compter que le terrain de MainOne serait « suffisant pour construire dix autres datacenters », a déclaré Judith Gardiner dans une interview à Bloomberg. « Nous allons lancer un plan d’expansion dans la région à partir de l’année prochaine », a-t-elle ajouté.
« L’acquisition de MainOne représentera un point d’entrée critique pour la plateforme Equinix sur le marché africain en pleine croissance. La position de leader en matière d’interconnexion de MainOne et son équipe de direction expérimentée représentent des atouts essentiels dans nos aspirations à devenir le premier fournisseur neutre d’infrastructure numérique en Afrique », a déclaré Charles Meyers, le PDG d’Equinix, dans le communiqué.
Datacenters : une concurrence rude
Si l’Afrique semble en effet être un terrain de choix pour s’étendre dans les datacenter – le continent ne représente qu’1% de la capacité mondiale d’hébergement mais le nombre de centres a doublé en trois ans –, la concurrence sera rude pour Equinix. Aujourd’hui, les Amazon et Microsoft ont été rejoint par des nouveaux arrivants extra-continentaux, comme Raxio Group, mais aussi par des groupes africains, comme le sud-africain Teraco – uniquement présent dans son pays natal à l’heure actuelle –, le marocain N+One ou encore Africa Data Centres, filiale de l’ambitieux Liquid Intelligent Technologies. Une concurrence qui ne fait pas peur à Judith Gardiner, qui assure à Techcrunch qu’elle « [s]’attend à voir les acteurs mondiaux, y compris Amazon, venir vers MainOne maintenant que nous étendons notre plateforme Equinix ».
Pour le géant californien, ce rachat s’inscrit d’ailleurs dans une stratégie de croissance plus globale, qui, en 2020, l’a vu prendre les renne de GPX India pour 161 millions de dollars (142 millions d’euros) et racheter 13 datacenters à Bell Canada pour 780 millions de dollars (688 millions d’euros).
Quant aux critiques, proférées par certains analystes, d’un prix d’achat trop faible, Funke Opeke leur rétorque, via Techcrunch : « Nous sommes très satisfaits et heureux de l’offre faite par Equinix et de la valeur qu’elle représente pour les actionnaires et pour l’entreprise à l’avenir. Et je pense que ces derniers sont également satisfaits des niveaux de rendement qu’ils vont obtenir. » Le rachat devrait se finaliser au premier trimestre 2022 et la cheffe d’entreprise devrait rester à la tête de l’entreprise. (Crédit : MainOne)