Nous avons chroniqué ici-même ce long feuilleton, depuis ses débuts, en décembre 2020. Un feuilleton à suspense pour de très nombreux Nigérians, qui n’avaient pas encore lié leur carte SIM à leur numéro d’identité national unique (NIN), et qui a connu un épilogue retentissant : le blocage des appels sortants de 73 millions de lignes, lundi dernier. En effet, sur les près de 200 millions d’abonnés aux services mobiles recensés en début d’année dans le pays, “seules” 125 millions de cartes SIM avaient été correctement associées à un NIN. Pour les personnes sanctionnées, il n’y a pas d’autre choix que d’obtempérer pour retrouver sa ligne.
Le site Techpoint Africa relate ainsi des scènes de cohue, voire de violences, autour de la Commission nationale de gestion de l’identification après l’entrée en vigueur de la décision. Pourtant, on ne peut pas dire que les autorités aient manqué de patience : la sentence a été reportée une dizaine de fois en deux ans. Mais alors pourquoi ce grand coup de balai ?
— NIMC (@nimc_ng) April 12, 2022
Au Nigeria comme ailleurs sévit le fléau de l’escroquerie via mobile, les criminels se servant notamment de cartes achetées dans la rue pour commettre leur méfait, avant de s’en débarrasser. Un usage que l’on retrouve également dans les affaires d’enlèvement, nombreuses dans certaines régions. C’est donc dans le but d’endiguer ces dérives que les gouvernements disent souhaiter que les opérateurs (et donc in fine les autorités) puissent relier chaque ligne à une personne physique. Cela permettrait au passage d’étoffer les registres d’états civils. Mais le chantier est immense : en Afrique, il est courant de posséder plusieurs cartes, en fonction de la couverture, de la data à consommer… Il y a donc un nombre vertigineux de SIM en circulation.
Surtout, il existe une grande réticence à se plier aux injonctions d’enregistrement de la part des citoyens, peu enclins à livrer des informations personnelles – aux telcos comme aux gouvernements – dont l’usage pourrait être abusif, note le site d’al-Jazeera. Rappelons qu’un peu plus de la moitié des pays africains disposent d’une loi sur la protection des données, et que moins d’une vingtaine peuvent compter sur un organisme de contrôle.
Ainsi, si la quasi-totalité des pays africains ont une législation sur l’enregistrement des cartes SIM, peu sont véritablement appliquées, et il n’est pas rare de voir, de temps à autres, ce type de désactivation massive, assorti d’amendes salées à l’encontre des opérateurs défaillants. En 2015, par exemple, MTN avait écopé d’une amende de 4,7 milliards d’euros pour ne pas avoir déconnecté 5,1 millions de cartes SIM actives mais non enregistrées sur son réseau. Reste que les annonces semblent s’enchaîner ces dernières semaines. Comme nous vous le rapportions la semaine dernière, la Zambie a devancé le Nigeria en bloquant 2 millions de cartes SIM. Et le Kenya s’apprête à suivre.